Une ethnologie de l’art d’habiter est-elle envisageable

dans un grand ensemble HLM ?

 

Denis la Mache

 

 

 «Il faut que nous plongions les choses dans l’action : leur densité d’être se mesurera pour le lecteur à la multiplicité des relations pratiques qu’elles entretiendront avec les personnages. Faites gravir la montagne par le contrebandier, par le douanier, par le partisan, faites-la survoler par l’aviateur, et la montagne surgira tout à coup de ces actions connexes, sautera hors de votre livre comme un diable de sa boite. »

 

Jean-Paul Sartre : Qu’est-ce que la littérature ?

 

 

La Ville actuelle se meurt d’être non géométrique. Bâtir à l’air libre, c’est remplacer le terrain biscornu, insensé qui est le seul existant aujourd’hui, par un terrain régulier. Hors de cela, pas de salut. Conséquence des tracés réguliers : la série. Conséquence de la série : le standard, la perfection. Le tracé régulier, c’est la géométrie entrant dans l’ouvrage. Il n’y a pas de bon travail humain sans géométrie. La géométrie est l’essence même de l’architecture. Pour introduire la série dans la construction de la Ville, il faut industrialiser le bâtiment. Le bâtiment est la seule activité économique qui se soit dérobée jusqu’ici à l’industrialisation. Le bâtiment a donc échappé au progrès[1]».

 

Ainsi, Le Corbusier fondait l’esthétique de la Ville moderne. Pour résoudre les problèmes de logement pour le plus grand nombre, il préconisa une solution d’habitat en hauteur, dans la verdure : Les Unités d’Habitation de Grandeur Conformes, entités élémentaires de la Cité Radieuse[2]. Le béton, «pierre artificielle», servirait de matière constructive à cet habitat d’un genre nouveau. La «sérénité, le silence et la quiétude[3]» seraient enfin réintroduits. La Ville en série, régulière et industrialisée, allait prendre la place d’une urbanisation anarchique, tortueuse et torturée. Et puis, vinrent les grands ensembles. Magistrale démonstration d’industrialisation de l’habitat, ils avaient la prétention d’apporter localement, autant de réponses définitives, à la question du logement. Géométriques, standardisés, surgis pour la plupart ex nihilo aux abords des grandes villes, ils marquèrent l’aventure urbanistique de la Reconstruction et des 30 Glorieuses. Le Corbusier y fut doublement étranger. D’une part, il ne participa jamais directement au programme de reconstruction. D’autre part, ses préconisations ont été réappropriées, interprétées, trahies par des architectes et des urbanistes qui trouvèrent là un cadre doctrinal accueillant pour des projets constructifs hétéroclites. C’est, remarque Th. Paquot[4], une lecture partielle et partiale de la Charte d’Athènes[5] qui explique la paternité abusive et ridicule des grands ensembles attribuée à Le Corbusier. Il fallait un coupable, poursuit Th. Paquot : «l’autodidacte, le non-diplômé au verbe haut [...] fera l’affaire ! ».

 

«Aucun architecte n’a été si longtemps, si patiemment insulté» dira A. Malraux. Restent le standard, la série, l’industrialisation du bâtiment. La puissance constructive de l’après-guerre s’est mise au service du logis géométrique aux tracés réguliers. L’habitat social en fut parmi les principaux bénéficiaires. A partir de 1953, le logement était devenu pour l’Etat français une tache impérative qui le fit se doter d’outils techniques, administratifs et financiers inédits. La période 1959-1967 vit ainsi apparaître les ZUP[6]. Ce fut l’apogée de ces « années en béton[7] » où l’on construisait plus de 500 000 logements par an. Les « cités » commençaient leur histoire. Depuis, les programmes se sont succédés, les constructions se sont accumulées[8].

 

Et le temps a passé. Progressivement, nombre de ces réalisations de masse construites dans l’urgence ont contribué à symboliser l’échec d’une trop vaste entreprise immobilière. Elles se sont mises à illustrer les errances d’une urbanisation réalisée à l’économie. Entre les formes bâties et les existences qu’elles abritaient, se sont liées des relations complexes, plurielles et changeantes. Les médias se sont emparés de la vie de ces «quartiers ». Les récits ont afflué, nombreux, souvent contradictoires, volontiers excessifs. Ils ont d’abord relayé les louanges des premiers habitants saluant le « confort moderne » d’immeubles flambants neufs. Mais, bientôt, ces «cités» bien peu radieuses sont apparues comme le cadre de l’expression paroxystique d’une prétendue dégradation sociale. Le « mal de vivre », le chômage, l’exclusion et l’insécurité ont semblé s’y concentrer et fermenter comme des miasmes que la ville aurait rejetés dans ses marges.

 

Durant les trente dernières années, les images se sont accumulées, popularisant le «malaise des banlieues». Durant les années soixante-dix, la « sarcellite », maladie du gigantisme et de l’isolement s’est développée et s’est répandue. Elle a été rejointe, à l’aube des années quatre-vingts, par les « étés chauds» ponctués de rodéos de voitures volées. La décennie suivante a vu se généraliser les « soulèvements de quartiers » mettant aux prises jeunes et forces de l’ordre. La vie tumultueuse des «jeunes des cités» et la paupérisation désespérée semblent désormais cohabiter et côtoyer des solitudes de fin de vie. Les populations de ces grands ensembles apparaissent sous le double jour de la misère qu’elles subissent et du danger qu’elles représentent.

 

«Et pourtant on y vit !» ne manquèrent pas de rappeler certains médias à grand renfort d’émissions dédiées[9]. On s’y côtoie. La vie s’organise malgré tout. Il arrive même que l’on se plaise dans ces «quartiers sensibles». Une autre vision, moins noire, plus optimiste, volontiers angélique, s’est alors développée en contrepoint des précédentes. Les années quatre-vingt-dix, ont vu ces périphéries urbaines apparaître comme le creuset d’une nouvelle convivialité multi-ethnique. Jeune et inventive, la « culture des banlieues » semble désormais prouver qu’au pied des tours l’imagination au pouvoir fabrique de nouvelles formes de solidarité «black-blanc-beur » aux accents de « tchatche » et de « rap ».

 

Et puis, pour clore le tour d’horizon, il ne faudrait pas oublier cette masse, souvent discrète de foyers plutôt jeunes et démunis qui constitue l’immense majorité de la population des grands ensembles. Ceux-ci font de timides apparitions dans les médias pour dire combien ces immeubles offrent des conditions de vie acceptables… en attendant mieux. Au lendemain « des émeutes », ils clament leur surprise devant le spectacle renvoyé d’un quartier « d’ordinaire si calme ».

Ainsi un étranger qui tenterait de comprendre la vie de nos grands ensembles de banlieues à travers une revue de presse des dernières années y verrait, pêle-mêle, une menace pour l’ordre social, une concentration de misère, un refuge d’individualismes et le renouveau de la société française. Il y a un peu de vrai, sans doute, dans tout cela. Il y a surtout beaucoup d’excès, quelques amalgames et peu de recul. Il n’en reste pas moins que des existences individuelles y déploient des quotidiennetés affairées. Dans les formes géométriques et standards du logement social, des événements se mêlent, grands et petits, dramatiques et drôles, porteur d’espoir et d’inquiétude.

 

Les sciences humaines aussi se sont penchées sur la question de la banlieue et des grands ensembles. Elles ont contribué à mettre un ordre salutaire dans ces visions dispersées. Multipliant les angles de vue, elles en ont proposé des regards très diversifiés, parfois peu compatibles entre eux. Pratiquant le plan rapproché, des études qualitatives ont produit de nombreux éclairages sur le quotidien des groupes sociaux qui peuplent ces quartiers. Attentives au fonctionnement de communautés et de cultures urbaines caractéristiques, elles ont rapporté des récits ethnographiques précis et documentés sur les jeunes, les ouvriers, quelques groupes ethniques... Les individus observés n’intervenaient souvent qu’en tant que porteurs d’une identité culturelle spécifique. Rarement, ces enquêtes localisées replaçaient les logiques sociales observées dans le cadre du fonctionnement global de la société dans laquelle elles s’inscrivaient. Parallèlement, allongeant la focale, d’autres approches plus quantitatives et développées sur des échelles plus vastes ont éclairé le jeu des structures sociales à l’œuvre dans ces quartiers. Elles ont mis à jour les logiques d’exclusion, de déviance ou d’intégration qui trouvent dans ces cités un terrain d’expression privilégié. Plus globales, ces approches apparaissaient aussi plus désincarnées. Elles peinaient à rendre compte de la manière dont, au quotidien, les habitants de ces quartiers vivent, s’arrangent, bricolent et négocient avec les logiques sociales observées. Elles se sont montrées moins attentives à la manière dont les individus inscrivent dans les lieux des existences volontiers ambiguës, parfois contradictoires. D’autres études encore se sont concentrées sur les espaces. Elles ont scruté les pratiques qui s’y développent. Elles ont exploré la puissance symbolique des formes. Elles ont décrypté les significations dont les lieux sont porteurs et les manières dont ils pèsent sur les conduites. Ce faisant, elles passaient au second plan la complexité des motivations qui poussent les individus à s’engager ou à résister à ces conduites guidées.

 

Chacune de ces 3 approches recèle sa part de vérité. Chacune éclaire un aspect de la vie dans les grands ensembles HLM. Rarement, pourtant, une combinaison en a été tentée. Rarement, épousant le point de vue de l’acteur, une approche a essayé d’explorer la manière dont, au quotidien, les habitants des grands ensembles s’accommodent du poids des contraintes sociales et économiques, s’approprient les lieux, en usent et les partagent, pour y fabriquer de la vie sociale. Cette relation unique qui mêle et transforme les espaces et les hommes reste en partie mystérieuse. Par vocation, le logement social rassemble des vies bien dissemblables. Ce sont des existences uniques, des biographies originales qui s’insèrent et s’organisent dans d’identiques conditions de logement. Le cadre partagé de présences distinctes mélange et confronte des points de vue croisés sur l’univers commun d’une collectivité de fait. L’espace est investi au pluriel. Et l’exercice est ardu d’investir et de partager avec des voisins plus ou moins étranges ou étrangers un cadre de vie profondément déqualifié. Attentives aux crises qui secouent ces espaces urbains en constante et profonde mutation, les sciences sociales ne doivent pas rester aveugles aux ajustements minuscules d’acteurs souvent discrets qui, dans la fureur du monde, bougent, courent, se débattent, se débrouille et s’organisent de petits univers bien à eux. Produire de ces grands ensembles une vision apaisée qui replace les existences individuelles dans le jeu des structures sociales et les observe dans leur espace quotidien, telle pourrait pourtant être l’ambition d’une ethnologie des grands ensembles.

 

Cet objectif, pourtant, ne va pas de soi. La tradition disciplinaire inviterait même plutôt à l’observation des communautés sous-prolétaires ou des micro-cultures de l’exclusion qui semblent peupler ces territoires péri-urbains. La tentation est grande, en effet, de voir dans ces « quartiers sensibles » une poche restreinte d’altérité. Une subtile alliance d’urbanisme singulier et de populations sur médiatisées semble suggérer l’existence d’une nouvelle forme d’exotisme urbain. La piste semble prometteuse de vouloir décrire une manifestation locale de culture banlieusarde exprimant la richesse de savoir-faire et de savoir-dire typiques et volontiers pittoresques. On pourrait presque, après un long travail d’inventaire, être tenté d’ouvrir un nouveau tome du manuel du folklore français contemporain. La discipline ethnologique, heureusement, ouvre quelques autres perspectives. Une exploration des orientations récentes de l’anthropologie des mondes contemporains et des travaux sur les grands ensembles semble autoriser une approche renouvelée du vivre ensemble dans les quartiers d’habitat sociaux et, pourquoi pas, d’esquisser les bases d’une ethnologie de l’art d’habiter un grand ensemble HLM.

 

La vie HLM : de la culture du pauvre à la lutte des places

 

L’analyse des conditions de vie dans les grands ensembles d’habitat social s’inscrit dans un paysage théorique largement transdisciplinaire. Très tôt, et sur des motifs divers, urbanistes, sociologues,  ethnologues… fustigent les errances urbanistiques et montrent du doigt les logiques cent fois répétées de l’exclusion et de la concentration des stigmates sociaux.

 

Dès les années soixante, l’ethnologie de la France se tourne vers les banlieues. Quelques pionniers commencent à explorer la ville et ses périphéries[10]. Le mouvement s’intensifie progressivement. Globalement fidèle à ses objets et à ses méthodes, l’ethnologie se dirige plus volontiers, dans un premier temps, vers les poches d’altérité et les réduits de sous-cultures spécifiques. S’agissant d’analyser les mondes urbains, se sont d’abord, comme le souligne C. Bromberger[11], les quartiers singuliers et les cultures différentes qui ont les faveurs de l’ethnologue. Les cultures populaires observées dans les banlieues ouvrières y sont fréquemment décrites comme des organisations singulières qui investissent l’espace urbain de manière spécifique et mettent à distance le mépris extérieur. Marchant volontiers sur les pas de R. Hoggart[12] attentif à la culture du pauvre, l’ethnologie des banlieues est souvent celle d’un monde et de son mode de vie relativement autonome et repérable. La volonté de l’ethnologue est d’abord de traquer les pratiques spécifiques de totalités culturelles. Mais de telles approches posent rapidement question, et ce, à plusieurs titres.

Tout d’abord, pour reprendre les termes de G. Althabe[13], le chercheur, est conduit à isoler des caractéristiques qui contribuent à fabriquer un monde à part et une population fictive. Il « Cristallise une altérité ».  Or l’ethnologue, remarque M. Augé « ne doit pas construire les mondes qu’il observe. Supposer qu’il existe ou a pu exister un état pur et harmonieux des cultures est une illusion[14] ». Par ailleurs, les sociétés urbanisées apparaissent de plus en plus ouvertes, mouvantes et caractérisées par une grande diversité des rôles et des attitudes. Les études sur les grands ensembles naissants incitent alors les ethnologues à faire autre chose qu’à reconstruire une communauté culturelle populaire. Désormais, ce qui trouble le plus, racontent C. Bachmann et N. Le Guennec décrivant le grand ensemble de la fin des années soixante, «c’est la présence obsédante des voisins, si proches et si différents. Les regroupements aléatoires de gens que rien ne rapproche n’ont guère d’effet civilisateur. Bien au contraire : les membres d’une communauté, une fois dispersés, perdent leurs derniers repères. L’obligation de vivre à côté d’étrangers dans des appartements tous semblables est mal vécue. «Je connais personne ici», est la rengaine des déplacés[15]». L'image communautaire s'avère bien vite impropre à décrire la population pauvre, profondément hétérogène et volontiers repliée sur la sphère domestique qui caractérise les grands ensembles.

 

            Les années quatre-vingts fournissent leur lot de défiance et de critique vis-à-vis de ces tentatives qui s’obstinent à rechercher dans les grands ensembles les formes nouvelles de communautés populaires et les signes d'une "culture de la pauvreté". On se rappellera à ce propos les textes de C. Grignon et J-C Passeron[16] à propos des cultures populaires. On peut aussi citer ceux de R. Ogien[17] sur certaines dérives de l'idée d'une culture de la pauvreté chez O. Lewis[18]. Ces deux critiques contribuent à souligner les travers d'analyses des cultures du pauvre susceptibles d'osciller entre ethnocentrisme (la culture du pauvre serait une culture plus pauvre) ou naturaliste (cette culture, transmise de génération en génération, marquerait une inadaptation aux normes de la société). Durant cette décennie, les recherches empiriques sur les grands ensembles[19] montrent des habitants paupérisés adhérant à une culture de masse. Elles confirment l’existence d’un monde atomisé caractérisé par l'absence d'identité collective et la mise à distance d'un voisinage qui concrétise le sentiment individuel de déchéance sociale. L’homologie entre banlieue et monde ouvrier cesse de fonctionner. L’idée même de «monde ouvrier» est remise en question. En 1991, F. Dubet[20] constate l'éclatement de cette population laborieuse de moins en moins marquée par une culture et une identité collective spécifique. L'indistinction par rapport aux autres catégories sociales est marquée à la fois par la position dans l'échelle des niveaux de vie et par la place dans le système productif. Sous ces deux aspects, le mode de vie ouvrier se rapproche des standards de vie moyens. Désormais, c'est la perméabilité des groupes populaires à la culture de masse et le brouillage des classes que les recherches nous invitent à constater. Certes, les habitants des grands ensembles forment une population relativement homogène tant la modestie des ressources économiques condamne la diversité des attitudes. Ils ne constituent pas pour autant un peuple ouvrier et solidaire[21].

             Durant les années quatre-vingt-dix, les observations laissent voir dans les grands ensembles, non un projet alternatif mené par un groupe constitué mais plutôt, comme le constate V. de Gauléjac[22], une constellation de luttes « d'individus solitaires contre la société pour retrouver une place, c'est à dire un statut, une identité, une reconnaissance sociale". Les travaux d’A.Villechaise-Dupont[23] confirment la tendance. Dépréciés, désabusés, les «gens des grands ensembles» se retirent, dit-elle, de l’espace public. Ils désertent toute forme active de participation sociale et cherchent dans le repli sur la sphère domestique l’ultime possibilité d’exercer leur souveraineté. Le modèle explicatif reposant sur une description de systèmes culturels cohérents visibles et revendiqués, s’appropriant l’espace de manière spécifique, est alors contraint de se replier sur l’analyse de sous-communautés spécifiques. Il donne alors lieu à quelques exercices descriptifs de systèmes de pratiques, de relations et de valeurs propres à des sous –groupes populationnels ou générationnels[24]. Il ne peut, en revanche, livrer une lecture globale de la vie collective d’un grand ensemble.

Des braconnages dans les structures de la domination sociale

 

Dans une société marquée par l’homogénéisation progressive des signes et des références, le regard ethnologique peut utilement se porter sur les mécanismes de leur apprivoisement et sur les inventions contextuelles. Il peut concentrer son attention sur les mille manières uniques d’être et de faire «comme tout le monde». Dans cette voie, mais sur d’autres terrains et avec d’autres objets, certains se sont déjà engouffrés. Citons pour mémoire les travaux de   S. Denèfle[25] en 1989 sur le lavage du linge, attentifs non au fonctionnement quasi-standardisé de l’objet mais aux multiples manières de faire de ceux qui en usent. Citons aussi l’enquête de J-L. Tornatore[26] en 1991 dans une usine de réparation navale à Marseille décrivant les formes d’adaptation et de bricolage qui se cachent dans les replis des chaînes d’opérations techniques. Certes, ces travaux sont bien loin d’une problématique de la cohabitation en HLM. Ils indiquent, cependant, combien la démarche ethnologique peut être efficace pour appréhender les mécanismes de l’appropriation et du détournement. La distance subjective des acteurs avec le système s’est régulièrement accrue. L’ethnologie appliquée en terrains urbains ne saurait négliger ce processus d’individuation.

 

S’agissant de la sociabilité dans ces quartiers de banlieue, se sont désormais, comme le propose G. Althabe[27], les interactions visibles développées par des acteurs singuliers dans un espace ouvert qui doivent interroger le chercheur. Dans ces grands ensembles d’habitat social, des systèmes d’appartenances à des entités culturelles viennent s’auto-produire et se négocier puisant largement dans les ressources de la culture dominante et s’accommodant des contraintes du bâti. Dans ces espaces urbains, des participations contrastées à la société globale, des usages et des raisons se croisent, s’organisent et se re-élaborent en permanence. La vie quotidienne est faite de regards croisés et de minuscules accommodements avec les conditions générales de la vie sociale. Les individus s’impliquent dans des configurations de relations interpersonnelles. « Logés à la même enseigne », ils confrontent d’inégales positions et possessions sociales et économiques. Dans ces bricolages entre et dans les structures de la domination sociale s’expriment des enjeux majeurs et personnels.

 

L’idée d’aborder les périphéries urbaines par les quotidiens croisés d’existences individuelles et collectives, il est vrai, n’est pas tout à fait neuve. On se rappellera notamment de J-F. Laé et N. Murard[28], qui déjà, en 1985, se penchent sur la vie d’une cité de transit. Présenté sous forme de récit, leur propos est une description des événements petits et grands qui scandent la vie du quartier. Attentifs aux menus détails, les auteurs reconstruisent la vie collective. «Ces détails ne sont pas insignifiants, encore moins absurdes. Ils nous montrent que le temps s’écoule à plusieurs vitesses, marche à différents rythmes. Ces détails qui font l’épaisseur du vécu et que régulièrement on oublie, nous nous sommes efforcés de les noter, de les transcrire et de les rendre dans leur contexte et avec leurs conséquences». La recherche montre combien, même dans une cité profondément paupérisée, le poids des déterminismes sociaux, culturels ou économiques à lui seul ne saurait expliquer les logiques que les individus développement pour partager l’espace.

 

Il s’agit donc de prêter attention à cette partie confidentielle des modes de vie, à ce jeu qui, comme le suggèrent Ph. Bonnin et M. Perrot[29], esquive, au moins partiellement, les logiques et les mécaniques de l’Appartenance. C’est en ces termes que ces deux auteurs se penchent sur les décors intérieurs. Ces derniers apparaissent alors comme autant de compositions entre économique, social et esthétique, mémorisant et mettant en scène une histoire familiale. Le décor ne saurait être réduit à un signe d’appartenance sociale ou régionale. Il est bien plus que le fruit des déterminations sociales, économiques ou culturelles. Il est une production originale. Les auteurs montrent combien le décor «donne plus encore à voir et à lire une tension permanente entre la reproduction de modèles dominants et la consommation-création des individus, c’est-à-dire la ré-interprétation à laquelle se livre chaque groupe domestique qui lui confère son plein sens». Ph. Bonnin et M. Perrot montrent, après M. de Certeau, L. Giard et P. Mayol[30], la richesse et l’inventivité qui se cachent dans les replis de la consommation d’objets courants et de modèles dominants.

 

Echappant à la construction d’isolats de pratiques, de signes et de sens incarnés par des individus «idiots culturels» dupes de leurs appartenances, cette anthropologie ouvre la voie à une analyse des créations individuelles et familiales, aux efforts d’interprétation des positions et des possessions sociales et économiques déployés pour investir et partager des lieux. Elle autorise à jeter sur la question de l’habiter un regard anthropologique particulier.

 

Vers une anthropologie de l’habiter

 

Le terme d’habiter n’est pas neutre. D’emblée, le choix de son emploi pour structurer un questionnement anthropologique connote l’exercice. Il mérite donc que l’on s’y attarde. Le détour étymologique n’a pas, il est vrai, en soi, valeur d’argumentation. Mais en explorant l’essence, il éclaire les sens. Il dévoile la complexité tapie derrière la fausse simplicité d’un mot pourtant familier par vocation. Le temps, l’espace et l’être apparaissent dans sa composition. Du latin habitare, fréquentatif de habere (avoir), habiter signifie «avoir souvent» et, par extension, «rester», «demeurer», «séjourner». Autant qu’une dimension spatiale, habiter revêt donc une dimension temporelle. Le verbe habiter fait son apparition dans la langue française vers 1050 pour signifier «rester quelque part», «occuper une demeure». L’ «habitation» tire son origine du latin habitatio qui signifie «fait d’habiter», «demeure». Il faut attendre l’entre-deux-guerres pour que l’ «habitat» fasse son entrée dans les dictionnaires. Il désigne d’abord les seules «conditions de logement». Partageant une origine commune, le verbe «habituer» a longtemps signifié «habiller» en référence à l’étymologie habituari «avoir telle manière d’être». Derrière habituari se profile aussi habitus, «manière d’être». Ce terme est d’abord relancé par E. Durkheim. P. Bourdieu, à son tour, en fait un concept clé de la sociologie le définissant comme un ensemble de cadres sociaux qui permettent à l’individu d’être dans la durée. Il est une combinaison durable de manières d’être et de faire qui s’incarne dans les corps permettant de «construire et comprendre de manière unitaire les dimensions de la pratique[31]». Habiter est donc un terme riche qui déborde la seule idée de loger et renvoi à l’être au point que l’on ne puisse nommer l’un sans convoquer l’autre. M. Heidegger, dans une méditation célèbre à partir du verbe bauen (qui signifie à la fois construire et habiter), rapproche être et habiter. "Je suis", veut dire" j'habite". La façon dont nous, hommes, sommes sur Terre est l'habitation. Habiter signifie, comme le souligne encore Th. Paquot, «exister sur cette Terre comme un mortel qui n’ignore aucunement sa condition de mortel[32]».

 

Ainsi, l’acte d’habiter peut-il être entendu comme ce lien tissé entre le vivre avec le loger qui organise les implications individuelles dans la collectivité résidentielle. Comme souligne H. Lefèbvre[33] : «Le vivre subsume le loger». Cet habiter réalise une vision du monde à partir d’un re-travail pour soi des modalités objectives du loger. Il fixe l’ensemble des règles d’insertion de l’existence dans les conditions du logement. Pour H. Lefebvre, «L’être humain ne peut pas ne pas bâtir et demeurer, c’est-à-dire avoir une demeure où il vit, sans quelque chose de plus (ou de moins) que lui-même : sa relation avec le possible comme avec l’imaginaire [...]. Si on ne lui donne pas, comme offrande et don, une possibilité d’habiter poétiquement ou d’inventer une poésie, il la fabrique à sa manière[34]». L’Homme habite en poète déclare M. Heidegger reprenant lui-même F. Hölderlin. Il ne faut cependant pas s’y tromper. Il n’est aucunement question de poétiser le quotidien de la vie résidentielle. Il convient plutôt, comme le souligne G. Bachelard[35] d’asseoir l’essence poétique de l’Homme sur le quotidien. A cette idée, H. Lefebvre ajoute une dimension marxiste de production. Tous les groupes sociaux, dit-il, mettent en œuvre des forces créatrices en relation avec l’espace. Le rapport entre un espace collectivement investi et la vie sociale qui s’y développe est de l’ordre de la production.

 

Bricolages d’espaces, production de lieux

 

L’espace, dit M. Sélim[36], doit être compris comme une condition de possibilité et non comme un générateur de la vie sociale. Il n’a, comme le souligne A. Sauvageot[37], pas d’existence en soi. Il n’existe que par ce que l’on en fait. Ainsi, comprendre l’acte d’habiter revient à comprendre comment, saisissant la matière brute du logement et puisant dans les forces de leur existence, des individus fabriquent pour les investir des espaces et des lieux.

 

Incontournable, le lieu n’en est pas moins, comme le rappelle Th. Paquot un vocable trouble. Du latin locus, il sert à traduire le grec topos et signifie «place», «endroit». Mais si topos indique un endroit précis ou l’on veut se rendre, le locus est un emplacement où l’on pose quelque chose. Le lieu, souligne Th. Paquot, est à la fois un accueil et une halte. Dans le lieu, se trouve exclue la possibilité pour deux choses d’être à la même place. L’idée de lieu, dit M. de Certeau[38], exprime un ordre selon lequel des éléments sont distribués dans des rapports de coexistence. La loi du propre y règne. Les éléments considérés sont, poursuit M. de Certeau, les uns à côté des autres. Chacun est situé à un endroit propre et distinct. Il y a dans le lieu une indication de stabilité. Le lieu de M. de Certeau recoupe l’espace géométrique que M. Merleau-Ponty[39] définit comme une «spatialité homogène et isotrope définie comme l’ordre selon lequel les éléments sont distribués dans des rapports de coexistences». Ce lieu (ou espace géométrique) est une configuration instantanée de positions. Mais le lieu, tel qu’il peut être entendu ici, plus sans doute que celui décrit par M. de Certeau, est actif, animé par ceux qui l’investissent. Il n’est pas qu’un simple réceptacle. Il est selon la formule de Th Paquot à la fois le repère et le repaire de celui qui l’investi. L’espace défini par M. de Certeau (qui est aussi l’espace existentiel de M. Merleau-Ponty) prend en considération les vecteurs de direction et de vitesse. Il est animé par ceux qui le pratiquent. «L’espace est au lieu, dit M. de Certeau, ce que devient le mot quand il est parlé». «Il y a, dit M. Merleau-Ponty, autant d’espaces [existentiels] que d’expériences spatiales». Le lieu renvoie à l’être là. L’espace renvoie à des opérations de sujets. Le lieu géométrique se fait espace de vie à mesure qu’il s’anime. L’Homme établit, avec son espace de résidence, un rapport qui fonctionne, sur une multitude de registres : rapport à soi, à sa famille, à son histoire, aux autres, à la nature, à l’univers... L’espace suscite, recueille et condense dit M. Bonetti[40] «des images, des sentiments, des valeurs et des significations. » Fruit d’un «bricolage, imaginaire», il est avant tout espace social.

 

Les règles de l’art

 

Les formes de l’appartement, de l’immeuble, de la ville… peuvent être analysées comme autant d’espaces vécus et de lieux habités. Pour habiter un grand ensemble de logement social et le partager avec d’autres, chaque habitant développe un ensemble dispersé d’habiletés singulières. L'ethnologue est alors invité à prêter attention aux efforts que chacun déploie pour construire de l’être-là. Il lui faut restituer les logiques selon lesquelles ces efforts s’ajustent, se mêlent et se distinguent. Pour saisir de manière unifiée ces attentions éparpillés, une hypothèse heuristique peut être posée, séduisante moins pour sa réalité que pour son réalisme. Reprenant M. de Certeau, l'habiter peut être traité "comme un art" ; non qu'il existerait un art d'habiter comme existerait un art pictural, musical ou littéraire. L'art d'habiter doit ici être entendu comme un outil idéel destiné à cerner la cohérence des faits étudiés. Il permet de comprendre la stabilité des échanges et l'organisation des actions sans les considérer comme les conséquences systématiques d’une réalité culturelle, formelle ou technique. L'art d'habiter est donc une construction théorique, un instrument de compréhension globale d'un ensemble de pratiques dispersées. L’art, disent les dictionnaires, est une façon de faire une chose selon certaines méthodes, selon certains procédés. L’art d’habiter permet de comprendre ces aptitudes, ces habiletés que chacun invente et emploi pour habiter un grand ensemble d'habitat social, pour s’accommoder de ses conditions matérielles de logement, de ce qu’elles impliquent ou trahissent de positions sociales, pour organiser sa proximité avec un voisinage rarement désiré. L'usage des lieux est une fabrication. L'appropriation est une production. C'est à l'organisation de cette production que le recours à l'art d'habiter permet de s'intéresser.

 

Il serait naïf, en effet, comme l’ont autrefois montré J-C Chamboredon et M. Lemaire[41], de considérer l’égalité des conditions de logement sans prendre en compte l’ensemble des dispositions socialement acquises qui distinguent les résidents. Les appartenances ethniques, culturelles, sociales, professionnelles, politiques, religieuses... actuelles, passées ou futures constituent autant d’éléments signifiants disponibles à l’individu et actualisables. L’art d’habiter mobilise ces catégories de la vie sociale. Il en fait une synthèse. Il les dispose autant qu’il en dispose. Dans l’infinie diversité des façons d’être là, les sujets s’auto-construisent, de manière singulière, en acteurs des lieux. Ils repèrent l’autre et identifient le semblable. Production harmonieuse d’une image spatialisée et contextualisée de soi, l’art d’habiter actualise des statuts sociaux. Ceux-ci sont vécus comme des situations de fait, comme des états de position établissant la place assignée à chaque membre de la collectivité. Ils fixent les interactions entre égaux, les relations hiérarchiques mais, aussi, les relations à soi-même. « Epoux », « parent », « femme au foyer », « ouvrier »… les individus détiennent plusieurs statuts qu’au cours de leur existence, ils expriment successivement ou simultanément sans, pour autant, jamais se départir totalement de l’un d’eux. Les négociations de soi sont tributaires des limites habituelles d’une transaction. On ne peut négocier que ce que l’on a, que ce que l’on est. Les pesanteurs du déjà-là ne sauraient être négligées. Le sujet n’est pas un démiurge. Tout au plus peut-il être considéré comme un artiste en liberté conditionnelle dans une cage élastique et imperceptible.

 

Dans un grand ensemble d’habitat social, des individus se croisent, se saluent ou s’évitent. Ils entretiennent des visions croisées. Mais dans cet agrégat de population peu intégré, aux normes éclatées, les statuts, que chacun jette dans les relations avec autrui, perdent leur visibilité et leur pertinence. Le consensus peine à s’instaurer autour de leurs définitions et de leurs valeurs relatives. L’art d’habiter parmi une population désintégrée prend, alors, une forme singulière. Tout en étant producteur de positions réciproques, il doit aussi être l’inventeur des règles de la confrontation.

 

Pour produire cette harmonie des positions, les statuts seraient bien inanimés sans des individus qui les agitent à leurs façons. L’ethnologue doit alors trouver le moyen de penser les ressorts de cette incarnation. Pour cela, les travaux de E. Goffman s’avèrent particulièrement éclairants. Composant tour à tour ou simultanément des statuts aux formes et aux légitimités multiples, l’artiste-habitant peut être considéré comme endossant une série de rôles. Le rôle est cette façon qu’a un individu d’exprimer un statut. Il est, dit E. Goffman[42], un modèle d’actions préétabli que l’on va développer durant une représentation, c’est-à-dire durant l’intégralité de l’activité d’un individu face à un public. Ce rôle[43] pourra également être présenté ou utilisé en d’autres occasions et face à d’autres publics. Le rôle social[44] est, quant à lui, défini comme l’actualisation d’un système de droits et de devoirs attaché à un statut. On peut dire qu’un rôle social recouvre un ou plusieurs rôles. L’acteur peut donc présenter chacun de ces rôles dans toute une série d’occasions à des publics du même type ou bien à un même public constitué par les mêmes personnes. Dans la diversité mouvante de la vie HLM, l’artiste-habitant se fait donc, tout à la fois, organisateur et participant d’un complexe jeu de rôles dont l’objet est d’ordonner l’insertion d’existences multiples et polymorphes dans leurs conditions de logement.

 

L’art de la mise en scènes

 

Plusieurs fois par jour, les résidents des grands ensembles effectuent des déplacements, changent d’interlocuteurs, mobilisent des statuts et endossent des rôles différents. Chacun de ceux qui composent la collectivité résidentielle se partage entre les différents champs d’une quotidienneté éclatée. Celle-ci joue de et se joue dans un ensemble complexe d’espaces et de lieux. Ceux-ci deviennent les indispensables partenaires symboliques de la relation au monde. De l’appartement chargé d’affect à la grande surface impersonnelle, d’un quartier qui résonne de mille souvenirs ou suscite mille craintes à l’agitation du centre ville... les hommes organisent leurs vies et leurs rapports sociaux. Construire du «chez-soi» ou du «chez- l’autre», du «à tout le monde», du «à personne» ou de l’espace appréhendé uniquement comme du temps de parcours renvoient à autant de situations socio-spatiales, c’est à dire de situations sociales dont l’espace est une dimension intrinsèque. Investis, façonnés par les bricolages imaginaires des hommes qui les pratiquent, les espaces s’intègrent à des dramaturgies singulières et variées.

 

Ces espaces et ces lieux que l’art d’habiter manipule, distingue ou relie peuvent être analysés comme autant de « scènes » au sens théâtral du terme. La scène y est à la fois l’emplacement d’un développement dramatique et une section de celui-ci. Sans céder à la facilité du transfert de notions, on peut puiser dans la métaphore d’intéressantes ressources conceptuelles. Sans doute faudra-t-il, sur ce point encore, contracter une dette avec E. Goffman. A la fois constructions imaginaires, partenaires symboliques et cadre physique de relations sociales, les scènes de la vie résidentielle peuvent être analysées comme les particules élémentaires de situations socio-spatiales Elles apparaissent alors, tout autant, comme les fruits et les supports de l’art d’habiter.

 

Ainsi, chaque jour, l’habitant dans son effort quotidien de construction d’une adéquation entre être et loger change de scène, active des statuts, endosse des rôles. Ces scènes de l’habiter permettent de repérer les catégories du public et du privé, du dehors et du dedans, de l’ici et de l’ailleurs, du chez-soi et du chez- l’autre entre lesquelles transitent les habitants.

 

*****

Dans l’orientation de recherche proposée ici, le cadre urbain de la recherche cesse d’être un monde clos support d’identité culturelle. Pour autant, l’individu, comme le souligne C. Javeau, «n’est pas sécable en une pluralité de rôles ou de parties essentiellement distinctes les unes des autres. Le je est unique. Il concentre en une expérience unique (ou du moins unifiable) la diversité des expériences vécues dont chacune est rapportable à une forme de vie particulière». L’anthropologie des mondes contemporains implique, dit G. Althabe[45], de considérer les individus dans la pluralité de leurs situations et dans l’unité de leurs existences. Une anthropologie de l’art d’habiter un grand ensemble HLM ne doit pas se transformer en une théorie de l’émiettement. Attentive aux efforts multiples et croisés pour développer un ensemble harmonieux de manières d’habiter, la démarche ethnologique s’attache ici à reconstruire ces bricolages minuscules, ces attentions réciproques, ces constructions de différences et de ressemblances qui organisent la vie quotidienne d’individus uniques et dissemblables, porteurs d’histoires et de projets.

 

 

 

 

Bibliographie complémentaire

 

- AFFERGAN Francis : La pluralité des mondes. Vers une autre anthropologie - Paris, Albin Michel, Idées, 1997, 288 pages.

- ALTHABE Gérard, MARCADET Christian, de LA PRADELLE Michèle et SELIM Monique : Approches ethnologiques dans le monde urbain et industriel - C.R.S.M.I., Cahier n°5, février 1984.

- ALLEN Barbara : «L’habitat, c’est le logement et au-delà... » - URBANISME, n°298, 1998.

- ALTHABE Gérard, MARCADET Christian, SELIM Monique, et DE LA PRADELLE Michèle : Urbanisation et enjeux quotidiens. Terrains ethnologiques de la France actuelle – Paris, Anthropos, 1885, 199 pages.

- AQUATIAS Sylvain : «Jeunes des quartiers, entre communauté et société» - SOCIO Anthropologie, n°2, 1997, pages 46 à 60.

- AUGE Marc : Non-lieux. Introduction à une anthropologie de la surmodernité - Paris, Seuil, 1992, 150 pages.

- AUGE Marc : Pour une anthropologie des mondes contemporains – Paris, Aubier, 1994, 195 pages.

- AUGE Marc : Le sens des autres. Actualité de l’anthropologie – Paris, Fayard, 1994, 199 pages.

- AUGOYARD Jean-François : Pas à pas. Essai sur le cheminement quotidien en milieu urbain - Paris, Seuil, 1979, 185 pages.

- BENSA Alban : «De la micro-histoire vers une anthropologie critique» in REVEL Jacques (dir) Jeux d’échelle, la micro-analyse à l’expérience - Paris, Hautes Etudes/Gallimard/Le Seuil, 1996, 243 pages.

- BONNIN Pierre in Les hommes, leurs espaces et leurs aspirations. Hommage à Paul-Henry Chombart-de-Lawe (ouvrage collectif) - Paris, L’Harmattan, 1994, 479 pages.

- BOURDIEU Pierre (dir) : La misère du monde – Paris, Seuil, 1993, 947 pages.

- BOURDIEU Pierre : Raisons pratiques. Sur la théorie de l’action - Paris, Seuil, 1994, 248 pages.

- CALOGIROU Claire : Sauver son honneur. Rapports sociaux en milieux défavorisés -Paris, L’Harmattan, 1989, 150 pages.

- CERTEAU (de) Michel : Pratiques quotidiennes et culture populaire – Privat, 1979.

- CHOMBART DE LAUWE Paul-Henry : Des hommes et des villes - Paris, Payot, 1963, 267 pages.

- CHORAN-BAIX Catherine : « L’objet ville. Entretien avec Colette PETONNET » - Le Journal des Anthropologues, n°61-62, automne 1995, pages 11 à 19.

- DUBET François et Lapeyronnie Didier : Les quartiers d’exil - Paris, Seuil, 1992, 245 pages.

- FLAMAND Jean-Paul : Loger le peuple. Essai sur l’histoire du logement social en France - Paris, La Découverte, 1989, 369 pages.

- GOFFMAN Erving : Les rites d’interaction - Paris, Minuit, 1974, 230 pages.

- GURWITCH Jacques et PETONNET Colette (dir) : Chemins de la ville. Enquêtes ethnologiques - Comité des Travaux Historiques et Scientifiques - Paris, 1987, 270 pages.

HANNERZ Ulf : Explorer la ville. Eléments d’anthropologie urbaine (Traduit de l’anglais par I. Joseph) – Paris, Minuit, 1983 (1980), 418 pages.

- HOMME ET LA SOCIETE (L’) - Anthropologie de l’espace habité, n°104, 1992.

- KAUFMANN Jean-Claude : La vie HLM. Usages et conflits – Paris, Editions ouvrières, 1983, 182 pages.

- La PRADELLE (de) Michèle : Les vendredis de Carpentras. Faire son marché en Provence ou ailleurs - Paris, Fayard, 1996, 374 pages.

- LASSAVE Pierre : Les sociologues et la recherche urbaine dans la France contemporaine – Toulouse, Presses Universitaires du Mirail, 1997, 398 pages.

- MARCADET Christian : «Promotion et précarité, approches ethnologiques dans le monde urbain et industriel» - C.R.M.S.I., Cahier n° 4, février 1984.

- MONOD Jean : Les bargeots. Essai d’ethnologie des bandes de jeunes – Paris, Jullian, 1968, 512 pages.

- PAUL-LEVY Françoise et SEGAUD Marion : Anthropologie de l’espace - Paris, Centre Pompidou, 1983, 346 pages.

- PEREC Georges : Espèces d’espaces - Paris, Galilée, 1974, 124 pages.

- PETONNET Colette : On est tous dans le brouillard. Ethnologie des banlieues - Paris, Galilée, 1985 (1979), 329 pages.

- PETONNET Colette : Espaces habités. Ethnologie des banlieues – Paris, Galilée, 1982, 188 pages.

- PINÇON Michel : «Habitat et modes de vie, la cohabitation des groupes sociaux dans un ensemble HLM»- REVUE FRANÇAISE DE SOCIOLOGIE, XXII, 1981, pages 523 à 547.

- ROSSELIN Céline : «Entrée, entrer. Approche anthropologique d’un espace du logement» - Espaces et sociétés, n°78, 1994, pages 83 à 96.

- SANSOT Pierre : Les gens de peu - Paris, Presses Universitaires de France, 223 pages.

- SANSOT Pierre : Poétique de la Ville - Paris, Klincksieck, 1988 (1971), 422 pages.

- SEGAUD Marion, BONVALET Christian, BRUN Jacques (dir) : Logement et habitat. L’état des savoirs - Paris, La découverte, 1998, 288 pages.

- SEGALEN Martine assistée de BEKUS Françoise : Nanterriens, les familles dans la ville. Une ethnologie de l’identité - Toulouse, Presses Universitaires du Mirail, 1990,200 pages.

- SEGALEN Martine et LE WITA Béatrix in : «Chez soi, objets et décors : des créations familiales ?» - AUTREMENT, Série Mutations, n137, mai 1993, pages 11 à 23.

- SELIM Monique : «Périphéries proches ou lointaines. Exclusion, intégration, idéologie de développement» - LE JOURNAL DES ANTHROPOLOGUES, n49, 1992, pages 111 à 117.

- SIMON Patrick : La société partagée. Relations inter-ethniques et inter-classes dans un quartier en rénovation : Belleville (Paris 2Oème), Thèse de doctorat - Paris, Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, 1994.

- TRAVERT Maxime «Le foot de pied d’immeuble. Une pratique singulière au cœur d’une cité populaire» - L’Ethnologie Française, XXVI, avril-juin 1997, pages 188 à 196.

- VERPRAET Gilles : La socialisation urbaine. Transition sociale et transaction culturelle dans la cité périphérique - Paris, L’Harmattan, 1994, 255 pages.

- WINKIN Yves in Erving Goffman. Des moments et leurs hommes - Paris, Seuil/Minuit, 1988, 252 pages.

 


 

[1] Le Corbusier : Urbanisme - Flammarion, 1994 (1925).

 

[2] Une participation à l’expérience de la cité du Weissenhof à Suttgart en 1927 l’avait amené à formuler les cinq points de forme d’une architecture nouvelle : les pilotis, le toit-jardin, le plan libre, la fenêtre horizontale et la façade libre seraient les formes dominantes d’un nouveau standard de la perfection.

 

[3]  Ce sont les termes employés par Le Corbusier lors de l’inauguration de l’Unité d’Habitation de Grandeur Conforme de Marseille, le 14 octobre 1952.

 

[4] Th. Paquot : Vive la ville - Panoramiques-Corlet, 1994.

 

[5] La Charte d’Athènes, publiée pour la première fois en France en 1942, reprend sous la plume de Le Corbusier les principaux points de doctrine de l’urbanisme moderne dégagés à l’issue des CIAM (Congrès Internationaux d’architecture Moderne) à Athènes en 1933.

[6] Les Zones à Urbaniser en Priorité instituées par un arrêté du 31 décembre 1958 donne un cadre juridique aux grands ensembles.

 

[7] D’après M. Winock : « les années en béton » – LE MONDE, Chronique des années soixante, 7 août 1986.

 

[8] On trouvera dans l’ouvrage de H. Vieillard-Baron (Les banlieues – Paris, Flammarion, 1996) une présentation succincte des différentes phases qui se sont succédées.

 

[9] Citons l’émission « saga cités ». Ce magazine des villes et des banlieues a été diffusé par France 3 durant une dizaine d’année avant son arrêt en 2002. Il y était question des « questions urbaines » de l'intégration des communautés étrangères, des luttes contre les discriminations, du "vivre ensemble dans la cité"…

[10] On se rappellera de C. Petonnet étudiant le sous-prolétariat des cités de transit et de J. Monod réalisant l’ethnologie d’une bande de jeunes en 1968, puis de J. Gutwirth se penchant en 1970 sur la vie d’une communauté hassidique.

 

[11] C. Bromberger : « L’ethnologie de la France et ses nouveaux objets. Crise, tâtonnements et jouvence d’une discipline dérangeante» - L’ETHNOLOGIE FRANCAISE, XXXII, 1997.

 

[12] R. Hoggart : La culture du Pauvre – Minuit, 1970 (1957).

 

[13] G. Althabe et al : Urbanisme et réhabilitation symbolique – Anthropos, 1984.

 

[14] Et M. Augé poursuit : "Il y a des échanges entre toutes les cultures et le rapport de chaque individu à sa culture est variable selon sa position sociale, son sexe et son individualité. » (In Sciences Humaines, n°47, février 1995).

 

[15] C. Bachmann et N. Le Guennec : Violences urbaines. Ascension et chute des classes moyennes à travers cinquante ans de politique de la Ville - Albin Michel, 1996.

[16]C. Grignon et J-C Passeron : Sociologie de la culture et sociologie des cultures populaires - Séminaires de l’EHESS, documents du GIDES, n°4, 1982.

 

[17]R. Ogien : Théories ordinaires de la pauvreté - Presses Universitaires de France, 1983.

 

[18]Il y est essentiellement fait référence aux oeuvres : Les enfants de Sanchez (Gallimard, 1963), La vida (Panther Books, 1968) et anthropological essays (Random essays, 1970).

 

[19] Citons P. Bouffartigue : «Le brouillage des classes» contribution à l’ouvrage collectif Sortie de siècle, dirigé par J-P. Durand et X. Merrien - Vigot, 1991. et F. Dubet et D. Lapeyronnie : Quartiers d’exil - Seuil, 1992.

 

[20] F. Dubet : «Jeunesse et marginalité» - REGARD SUR L’ACTUALITE, juillet 1991.

 

[21] Voir notamment à ce propos les travaux de S. Beaud : « Changements dans les rapports entre générations ouvrières. Les années 1990 à Sochaux-Montbéliard», (avec M. Pialoux), Retraite et société, n° 35, 2002.

 

[22]  V. de Gauléjac : La lutte des places - Desclée de Brouwer, 1994.

 

[23] A. Villechaise-Dupont : Amère banlieue. Les gens des grands ensembles - Grasset, 2000.

 

[24] En 1998, J. Bordet (Les jeunes de la cité – Presses Universitaires de France, 1998) publie une étude attentive à la description d’une population jeune dans une cité HLM. Dans cet espace présenté comme «facteur d’influence des relations sociales», les jeunes forment une «micro-société exerçant sur ses membres une attirance centripète». Le quartier remplit pour eux des fonctions affectives, instrumentales et normatives. Il leur fournit une configuration relativement stable de relations. Prisonnier de cette micro-société le jeune ne trouve pas le dégagement nécessaire et ne peut pas construire le regard réflexif lui permettant de se construire comme sujet capable. Cette étude montre des acteurs emblématiques d’une culture jeune profondément distincte des «habitants» de la cité. La micro-société y est un ensemble dynamique ré-interprétant «l’ordre social» de manière singulière. Les «jeunes galériens», dit J. Bordet, sont «pétrifiés, pris dans les murs de la cité». Ils n’ont plus de possibilité d’accès à une parole personnelle. Poursuivant un acteur emblématique dans les recoins de son auto-construction, la chercheuse en devient (à son insu ?) une efficace porte-parole.

Développant une posture sensiblement différente, D. Lepoutre s’était intéressé l’année d’avant à un groupe de jeunes de la cité des 4000 à la Courneuve (Cœur de banlieue, codes, rites et langages – Odile Jacob, 1997). Il s’agissait moins pou cet auteur de valoriser des formes culturelles déjà plus ou moins reconnues que de s’attacher à interpréter des visions croisées et simultanées des faits sociaux vécus à travers des univers de représentation particuliers.

 

[25]S. Denèfle : «Tant qu’il y aura du linge à laver...» - Terrain, n°12, avril 1989.

 

[26]J-L Tornatore : «Etre ouvrier dans la Navale à Marseille - Terrain, n°16, mars 1991.

 

[27] G. Althabe : «Ethnologie du contemporain et enquête de terrain « TERRAIN, n°14, mars1990

 

[28] J-F Laé et N. Murard : L’argent des pauvres. La vie quotidienne en cité de transit - Seuil, 1985.

 

[29] Ph. Bonnin et M. Perrot : «Le décor domestique en Margeride» - TERRAIN, n°12, avril1989.

 

[30] M. de Certeau, L. Giard et P. Mayol : L’invention du quotidien (2 tomes) - Gallimard, 1994 (1980). Il est ici tout particulièrement fait référence au chapitre I du premier tome dans lequel L. Giard écrit : «Par exemple l’analyse des images diffusées par la télévision doit être complétée par l’étude de ce que le consommateur fabrique pendant ces heures et avec ces images. Il en va de même en ce qui concerne l’usage de l’espace urbain, des produits achetés au supermarché ou des récits et légendes que le journal distribue. La fabrication à déceler est une production.»

 

[31] In P. Bourdieu et L. Wacquant : Réponses. Pour une anthropologie réflexive - Seuil, 1992.

 

[32] T. Paquot : «Quelle civilisation urbaine ?» - URBANISME, n°296, septembre-octobre, 1997.

 

[33] H. Lefèbvre : La production de l’espace - Anthropos, 1974.

 

[34] H. Lefèbvre : La révolution urbaine - Gallimard, 1970.

 

[35] G. Bachelard : Poétique de l’espace - Presses Universitaires de France, 1961.

 

[36] M. Selim : Rapports sociaux dans une cité HLM de la banlieue nord de Paris Thèse de 3ème cycle en anthropologie sociale et culturelle, E.H.E.S.S., 1979.

 

[37] A. Sauvageot : «Les figures de l’espace et du temps» - CAHIERS DU CENTRE DE RECHERCHES

SOCIOLOGIQUES, n°3, 1985.

 

[38] M. de Certeau : L’invention du quotidien I. Arts de faire - Gallimard, 1980.

[39] M. Merleau-Ponty : Phénoménologie de la perception - Gallimard, 1976.

 

[40] M. Bonetti : Habiter. Le bricolage imaginaire de l’espace - Desclée de Brouwer, 1994.

 

[41] J-C Chamboredon et M. Lemaire : «Proximité spatiale, distance sociale» - REVUE FRANÇAISE DE SOCIOLOGIE, Vol XI, 1970.

 

[42] E. Goffman : La Mise en scène de la vie quotidienne. (Tome I : la Présentation de soi) - Minuit, 1973.

 

[43] Part en version originale dans le texte de E. Goffman (op cit).

 

[44] Social role en version originale dans le texte de E. Goffman (op cit).

[45] M. Sélim in G. Althabe, C. Marcadet, M. de la Pradelle et M. Sélim : Urbanisme et enjeux quotidiens - L’Harmattan, 1993.